
Photo by David Trinks on Unsplash
Un contribuable était actionnaire de plusieurs sociétés. Il avait de plus créé une fiducie pour son bénéfice et celui de sa famille. Au fil des ans, une de ses sociétés lui a octroyé plusieurs prêts et avances. Lors d’une vérification par Revenu Québec, il est venu à l’attention du vérificateur que plusieurs de ces prêts et avances n’avaient pas été remboursés dans le délai prescrit par l’article 115 de la Loi sur les impôts (« L.I. ») de sorte que le contribuable avait reçu plusieurs avantages imposables.
En termes très généraux, lorsqu’un actionnaire d’une société ou une personne qui lui est proche reçoit un prêt de la société, le montant du prêt doit être inclus dans les revenus de l’actionnaire. Cependant, il existe une exception à cette règle lorsque la dette est repayée au plus tard dans l’année qui suit l’année où le prêt a été consenti, dans la mesure où nous ne sommes pas en présence d’une série d’opérations et de remboursements.
Dans les faits, les prêts et avances initialement octroyés par l’une des sociétés du contribuable avaient fait l’objet de plusieurs transferts à ses autres sociétés et à sa fiducie, à chaque fois en échange d’un billet à demande. Éventuellement, les bénéficiaires de la fiducie sont devenus les créanciers. Alors que ces cessions de créances se déroulaient, des dividendes avaient aussi été payés par les diverses sociétés du contribuable. Face à cette multitude de transactions, le juge à la Cour du Québec devait déterminer si le contribuable avait reçu un avantage imposable et à quel montant.
Durant l’audience, le contribuable a soumis que les cessions de créances entre les sociétés, la fiducie et les bénéficiaires avaient opéré un remboursement de sa dette initiale et donc a rendu inapplicable les articles 113 et 115 L.I. Cependant, le tribunal a rejeté cette prétention en ces termes : « En effet, et bien qu’il soit vrai que Cotton n’est plus endetté envers G&B, il convient de rappeler qu’une cession de créance ne constitue pas un paiement pour un débiteur, mais bien un mode de transmission ou de mutation d’une obligation… Ainsi, la cession de créance substitue tout simplement un nouveau créancier à un ancien et n’a pas pour effet de rembourser la dette du débiteur. »[1]
Le contribuable a soumis que l’article 115 L.I. ne « requiert pas que le remboursement soit effectué par l’actionnaire lui-même personnellement »,[2] ce à quoi le tribunal a rétorqué « [b]ien que cela soit techniquement vrai dans certaines circonstances, il faut préciser que le remboursement dont il serait question doit être le remboursement, au bénéfice du débiteur, de la dette qui a été cédée et non pas le paiement fait par un tiers à la société (soit en l’instance G&B à l’origine) pour l’acquisition de la créance. En fait, la dette de Cotton est toujours demeurée impayée au terme de toutes les cessions de créance entre les différents créanciers. »[3]
Malgré ce constat, le tribunal a conclu que la dette du contribuable devait « être mitigé en fonction du paiement des dividendes en nature reçus par Cotton au terme des transactions. En effet, il n’est pas contesté par les autorités fiscales que des avances ou des prêts peuvent être compensés, en tout ou en partie, en fin d’année, par le versement de bonus ou de dividendes qui ont pour effet de réduire ou d’annuler l’impact fiscal des avances consenties à un actionnaire. Il s’agit là d’ailleurs d’une pratique comptable établie et reconnue depuis plusieurs années. »[4]
Cette mitigation n’ayant trait qu’aux dividendes payés au contribuable directement et pas aux dividendes reçus par les autres bénéficiaires de la fiducie, le contribuable a affirmé qu’il y avait double imposition puisque les bénéficiaires avaient déjà été imposés lors de la réception des dividendes. Le tribunal a répondu en ces termes : « En fait, les avis de cotisation en litige sont le résultat de la planification fiscale du demandeur et, dans ce contexte, ce dernier doit subir les conséquences de ses choix fiscaux. »[5]
Le contribuable a fait appel du jugement à la Cour d’appel du Québec, mais sans gain de cause.
_______________
Toute planification fiscale comporte des risques. C’est dans la nature du droit fiscal que ces risques ne se matérialiseront que des années plus tard.
[1] Paras. 47 et 49.
[2] Para. 50.
[3] Paras. 51 et 52.
[4] Paras. 57 et 58.
[5] Para. 70.