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La contribuable dans un récent jugement a immigré au Canada en 1974. Lorsqu’elle est venue, elle détenait déjà des actifs en Suisse. Elle n’a jamais déclaré ces actifs ni les revenus générés par ces actifs. Lors d’un voyage en Europe, alors qu’elle traversait la frontière franco-suisse le 18 juillet 2014, les autorités françaises ont découvert des relevés d’une banque suisse dans sa voiture. Cette information a fait son chemin jusqu’à l’Agence du revenu du Canada qui a entamé une vérification de la contribuable plus tard au courant de l’année 2014, à son insu.
En mars 2015, la contribuable a rencontré son avocat pour s’informer à propos de ses obligations fiscales en lien avec ses actifs suisses. En mai 2015, la contribuable a autorisé son avocat à la représenter dans une démarche de divulgation volontaire. La contribuable est ensuite retournée en Europe pour recueillir les documents nécessaires. En juillet 2015, elle rencontra son avocat pour passer en revue les documents qu’elle a recueillis. Onde de choc, le 25 septembre 2015, la contribuable a été informée d’une vérification de l’ARC pour les années 2005 à 2014. Le 20 octobre 2015, la demanderesse a déposé sa divulgation pour les années 1976 à 2014.
Une fois sa divulgation déposée, l’examen de son dossier par l’ARC a été entaché de plusieurs erreurs. Lors du premier examen, l’agent assigné à son dossier a reçu un courriel d’une gestionnaire de la Section de l’observation à l’étranger indiquant que la divulgation de la contribuable devait être refusée comme étant non volontaire. Ce courriel constitue une ingérence injustifiée dans l’évaluation du dossier. Lors du deuxième examen, le premier agent au dossier s’est immiscé dans le processus décisionnel. Lorsqu’une divulgation est refusée au premier tour, le contribuable a droit à un deuxième examen impartial. Donc, encore une fois, il y a eu une autre ingérence injustifiée.
S’étant vu faire refuser sa divulgation, la contribuable a fait une demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale. Vu les vices de procédure, la Couronne a accepté que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie en raison d’une crainte raisonnable de partialité. Cependant, rejetant l’idée que sa divulgation devait être retournée à l’ARC pour examen par un troisième agent, la contribuable demanda à la Cour de rendre la décision que l’ARC aurait dû rendre en premier lieu, soit d’accepter sa divulgation comme étant valide. Selon elle, la reconnaissance de la validité de la divulgation était la seule issue raisonnable dans ce dossier. De plus, même si le dossier devait être analysé par un autre agent, il y avait une crainte raisonnable de partialité. Donc, de renvoyer le dossier à l’ARC n’aurait pour résultat que de précipiter la contribuable dans un « tourbillon judiciaire » qui prendrait des années.
La Cour a rejeté les deux arguments de la contribuable. Concernant le premier point, deux décisions demeuraient ouvertes à l’ARC lors du troisième examen, soit d’accepter la divulgation comme volontaire ou non. Le fait que la contribuable ait commencé un processus de divulgation avec son avocat ne veut pas nécessairement dire qu’elle aurait été jusqu’au bout du processus. Concernant le deuxième point, le fait qu’il y ait eu certaines erreurs dans le traitement du dossier de la contribuable n’équivaut pas à une défaillance systémique qui entacherait le processus décisionnel par un troisième agent.
S’ayant vue déboutée à la Cour fédérale, la contribuable a porté appel à la Cour d’appel fédérale, mais sans plus de succès. Aux paragraphes 15 et 16 de son jugement, la Cour d’appel mentionne :
Quant à l’argument lié à l’objectif d’équité du paragraphe 220(3.1) de la Loi, la Juge, tout en rappelant la nature « hautement discrétionnaire » du pouvoir dévolu à la ministre aux termes de cette disposition, a souligné que cet objectif exige aussi que les demandes d’allègement faites par des contribuables aux termes de cette disposition soient traitées par l’ARC « de manière consistante et transparente à la lumière des faits et de la preuve à l’appui de leur demande individuelle » (Jugement au para. 29).
J’ajouterais, comme elle, que la mise en oeuvre du paragraphe 220(3.1), qui se fait notamment par le biais du PDV, a pour point de départ, pour le contribuable qui souhaite s’en prévaloir, une omission de sa part de communiquer à l’ARC des renseignements qu’il était par ailleurs tenu par la Loi de lui communiquer. L’objectif d’équité doit donc se comprendre dans l’optique du traitement équitable de l’ensemble des demandes d’allègement faites à la ministre dans un contexte où il n’existe aucun droit, comme tel, à un allègement, et non dans l’optique de la réparation d’une injustice. À mon sens, la Juge n’a commis aucune erreur manifeste et dominante en concluant comme elle l’a fait sur ce point.
(Soulignement ajouté.)
Ce paragraphe est révélateur du contexte dans lequel les demandes de divulgation volontaire sont faites.
Les demandes faites dans le cadre du Programme des divulgations volontaires doivent être faites le plus tôt possible afin d’éviter les situations comme celles décrites dans cette affaire. La détermination du caractère volontaire d’une divulgation est le critère le plus contentieux dans la plupart des cas. Ce critère est lié au second critère qui veut qu’une demande doive être complète. Or, pour qu’une demande puisse être complète, le contribuable doit avoir la documentation nécessaire pour appuyer sa demande. Cette documentation peut prendre du temps à recueillir, ce qui a pour résultat de retarder l’envoi de la demande et donc le risque qu’une mesure d’exécution ait lieu entretemps.
L’autre point important à noter c’est que le pouvoir décisionnel a été donné au ministre du Revenu national d’accepter ou non les demandes. Ce pouvoir discrétionnaire est exercé par les agents de l’ARC dans le cadre de leurs fonctions. La Cour est très réticente à se substituer à l’ARC à cet égard.
Donc, si une demande de divulgation volontaire doit être faite, elle doit être faite le plus tôt possible. De plus, la demande doit être faite méticuleusement afin de s’assurer que tous les critères soient satisfaits. Autrement, le contribuable s’ouvre à payer la taxe due (que ce soit l’impôt sur le revenu ou la TPS/TVQ), les intérêts et pénalités, sans compter les frais judiciaires et d’avocat s’il décide de faire une demande de contrôle judiciaire. À ce niveau, même si le contribuable a gain de cause, son dossier ne sera que renvoyé dans la plupart des cas à l’ARC pour examen par un nouvel agent. Le processus se répète donc sans aucune garantie.